Interview Lachinos — le groupe qui traverse les frontières

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7 min readDec 1, 2022

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Groupe Lachinos

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Créé il y a six ans et porté par Nicolas Cubillos, le groupe Lachinos échappe à toute catégorisation et mélange des mélodies, textes et influences du monde entier, de la cumbia, au merengue, au surf-rock, en passant par le punk et le garage. En plus de Nicolas Cubillos, leader et voix du groupe, Lachinos est actuellement composé d’acteurs importants de la scène musicale d’avant-garde au Pérou et en Colombie : Ernesto Velarde à la batterie, Santiago Jimenez aux claviers et à la voix et John Socha à la basse.

Il y a quelques jours, Lachinos sortait leur 2ème EP, Costa Brava, avec le label Goutte d’Or. Avec ces quatre nouveaux morceaux, le groupe Lachinos nous fait danser et voyager avec des mélodies du monde entier et nous fait réfléchir avec des textes personnels qui explorent les thèmes du rejet, de la solitude et des stéréotypes que subissent les latino-américains.

Nous avons discuté avec Nicolas Cubillos du dernier EP, de la création du groupe, de ses inspirations, du mélange des influences du groupe et des projets futurs de Lachinos…

Peux-tu présenter le groupe Lachinos ?

Depuis sa création il y a six ans, le groupe a beaucoup évolué. On a été cinq, puis six et maintenant quatre. Parmi les membres du groupe aujourd’hui, on est trois colombiens et un péruvien, John Socha à la basse, Santiago Jimenez au piano, Ernesto Velarde à la batterie et moi, Nicolas. Je suis guitariste et chanteur dans le groupe. On fait de la musique que j’appelle “craditionnelle”, on reprend des rythmes comme la salsa, la cumbia et le merengue. On s’inspire de la musique qui fait danser chez nous !

Comment le groupe s’est-il formé et a-t-il évolué ?

Il y a environ six ans, j’ai eu une sorte de révélation quand j‘ai vu les Meridian Brothers jouer à la Villette sonique, je me suis dit que je voulais faire comme eux. Jusqu’à ce moment-là, j’aimais la musique et je voulais en faire mais je ne savais pas tout à fait par où commencer. Des amis m’ont ensuite aidé à monter le groupe et m’ont donné des cours. Tout s’est enchainé ensuite assez vite, on a commencé à enregistrer de la musique, on a signé avec le label et l’aventure avait commencé !

La première phase du groupe était plus pop qu’aujourd’hui. Notre son évolue maintenant vers une tonalité plus punk un rythme plus effréné. On aime explorer beaucoup de choses et on mélanger les influences. J’aime bien qualifier notre musique de “craditionnelle”, on s’inspire de la musique latino-américaine, tout en faisant différemment que les grands maitres.

L’année dernière, le groupe a beaucoup changé, ce qui lui a donné un nouveau souffle. J’ai rencontré John et Santiago parce que je les avais fait participer à un festival dont j’aidais pour la programmation. J’ai directement eu un coup de coeur pour le son, l’univers et la voix très électroniques de Santiago, qui joue aussi dans le groupe Mamiferos, depuis Berlin. Je connaissais John depuis longtemps parce qu’il est bassiste dans un groupe colombien qui s’appelle Romperayo dans lequel il joue avec l’un des meilleurs batteurs de l’univers !

Comment la musique est-elle entrée dans ta vie ?

Mes parents écoutent de la musique tout le temps, ça ne s’arrête jamais ! En Colombie, on vit au rythme de la musique. Dans le bus, les commerces, dans la rue, il y a de la musique partout ! On en est absorbés constamment et on adore danser. Par son histoire, la Colombie est profondément marquée par un mélange culturel et ethnique. Cela crée une grande richesse musicale, qui est notre fierté et qui nous berce depuis qu’on est enfants. Quand je suis arrivé en France il y a vingt ans, j’ai été surpris par le rapport très différent que les Français ont avec la danse. En France, danser dans une soirée est presque un acte de courage !

J’ai commencé par prendre des photos de concerts. J’ai toujours été émerveillé de voir à quel point les gens prenaient du plaisir et étaient eux-même sur scène. Quand j’étais petit, je faisais des concerts et de la batterie sur des casseroles et des coussins chez moi. Donc je pense que faire de la musique était le rêve de ma vie qui a fini par se concrétiser !

Parlons du 2ème EP de Lachinos, Costa Brava. Comment a-t-il été composé ? Quelle est son histoire ?

L’EP a été composé en partant du sentiment de “seum”, parce que ses quatre morceaux expriment de grandes frustrations. Le nom de l’EP reflète cette idée avec un jeu de mots : la Costa Brava est une côte à Barcelone, souvent synonyme de soleil et de fête, et “estar bravo” veut dire “être fâché” en espagnol.

Pochette de l’EP Costa Brava, de Lachinos, artwork par Glenda Torrado

Une des premieres frustrations que l’on explore avec le groupe est celle qui vient du fait que les gens ne comprennent pas toujours les paroles. Je suis hispanophone dans un pays francophone, c’est parfois dur de faire passer un message et de se faire comprendre. On assimile souvent les musiques en espagnol à un certain exotisme, à de la joie ou de la fête, alors que dans les textes, on aborde des sujets sociaux hyper forts.

Justement, dans tous les morceaux de l’EP, on trouve cette dualité entre une mélodie très dansante et des textes sérieux qui abordent des problématiques profondes. A ce titre, le morceau Place des Clichés, avec sa mélodie effrénée et presque inquiétante, tient une place particulière dans l’EP.

Je suis arrivé en France il y a vingt ans. Un jour, un collègue m’a parlé de pleins de clichés sur les colombiens, en mentionnant Pablo Escobar, le narco-traffic et d’autres stéréotypes. Cela m’a mis très en colère. J’ai exprimé et évacué cette colère et ces émotions en écrivant le texte de Place des Clichés. Ces stéréotypes et lieux communs reviennent incroyablement souvent pour les latinos, cela se ressent dans la place que nous avons dans les médias, dans l’espace culturel, les films,…

Vous mélangez beaucoup d’influences avec des mélodies venues de différentes parties du monde, de l’Asie, l’Amérique latine, l’Europe et la musique garage et punk, notamment. Ce mélange se retrouve aussi dans les textes qui sont écrits en français, espagnol, arabe et mentionnent des références culturelles du monde entier.

On veut éviter d’être catégorisés et de s’enfermer. La largeur du spectre de nos influences nous permet de casser toutes les restrictions. Mes deux groupes préférés sont les Meridian Brothers et Thee Oh Sees, cela te donne une idée de la variété de nos inspirations ! Je rêve d’un groupe qui crée une fusion de punk et de cumbia. Cette fusion existe déjà beaucoup dans la musique latino-américaine, certains groupes de rock psyché au Pérou créent de la musique inspirée d’Asie et la musique colombienne contient des rythmes africains, par son histoire. Ce mélange se fait naturellement dans Lachinos, cela fait la richesse du projet. Avant Lachinos, Julien était dans un groupe de pop française inspiré de Starmania par exemple. Marius faisait partie d’un groupe de punk.

Il semble que les artistes visuels soient une forte source d’inspiration pour la musique et les textes de Lachinos. Dans Fujisan, les paroles font référence aux artistes japonais Hiroshige et Hokusai et l’identité visuelle des pochettes de disques et des clips est très marquée et originale. Qui sont les artistes visuels qui vous inspirent ?

On est tres inspirés par beaucoup d’artistes. J’adore les estampes de Hiroshige et Hokusai. On aime collaborer avec nos amis très talentueux pour les clips et les pochettes. Il est toujours question d’une rencontre entre l’Asie et l’Amérique latine. Les gens avec qui on a travaillé ont toujours eu l’amour et l’envie de rejoindre ces deux univers.

Extrait du clip du morceau Fujisan

Qui sont les artistes musicaux qui vous inspirent?

On est tous obsédés par le nouvel album de Rosalía, Motomami. On aime beaucoup la salsa, notamment Hector Lavoe, Willie Colon, Ismael Rivera… Parmi les artistes contemporains, on admire beaucoup Damon Albarn, qui a exploré la musique toute sa vie et continue de le faire. Le dernier album des Strokes nous a aussi beaucoup plu.

Comment s’est fait la collaboration avec le label Goutte d’or ?

Cette collaboration était un heureux hasard ! Donatien, le co-fondateur de Cracki Records et Goutte d’Or Records, était mon colocataire. A l’époque, je faisais mes maquettes à la maison et il avait beaucoup aimé le morceau Cancer del Colón. Je l’ai invité à des concerts, il a beaucoup aimé notre énergie et notre musique. Ils nous ont invités à jouer aux Prairies du canal, puis au Macki Festival. Cela fait trois ans que l’on travaille ensemble, et Costa Brava est notre deuxième EP ensemble.

Quels sont les projets futurs pour Lachinos ?

On a produit de nouveaux morceaux et on veut la sortir à fond. On veut que les gens l’écoutent et dansent ! On a aussi deux dates de concerts : le 16 décembre et le 18 janvier pour release party de l’EP au Zèbre de Paris.

Interview par Emma Renaudin et Malo Renaudin en novembre 2022

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