Interview Alma Elste — Musicienne qui nous touche en plein coeur

décil
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10 min readNov 9, 2021

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Alma Elste, photographiée par Anaïs Boileau

« Quand j’étais enfant, j’étais très timide. La musique était un moyen agréable de m’isoler dans mon imagination et de m’exprimer différemment quand j’avais des difficultés à le faire avec les mots. »

Musicienne depuis l’enfance, Alma Elste délivre un EP très personnel, qu’elle a entièrement produit elle-même. Sa voix nous guide à travers son univers unique et touchant. Alma aborde l’amour, les fragilités et des souvenirs de Rome, accompagnée d’une production minimaliste.

Une plume qui touche directement le cœur, une voix chargée d’émotions, un piano et une guitare sont les armes de Frederika, aka Alma Elste, pour qui la musique est un moyen d’expression parfois plus naturel que la parole. Quand ses parents lui offrent un clavier Casio à 5 ans, Alma Elste connecte instantanément avec l’instrument et se plonge dans la musique comme dans un refuge, inspirée par les textes et la musicalité des Strokes, le blues d’Etta James et de Billie Holiday, la bossanova que sa mère passait à la maison et la musique de Benjamin Biolay et de Serge Gainsbourg.

A l’occasion de la sortie de son EP « The Story of Alma » le 5 novembre 2021, nous avons avons discuté avec Alma de musique, de processus créatif, d’écriture, de sources d’inspiration, des concerts mémorables de Coldplay et Michael Jackson, de ses 3 identités et prénoms différents, de son esprit en ritournelle incessante et d’un diner avec Glenn Gould, Christopher Nolan, son grand-père et peut-être Amy Winehouse…

Lien vers l’EP “The Story of Alma” d’Alma Elste sur soundcloud

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Alma Elste, je fais de la musique, je joue du piano, de la guitare et je chante. J’ai commencé à jouer du piano quand j’étais enfant, puis j’ai appris à jouer de la guitare et commencé à composer des chansons à l’adolescence. J’avais 18 ans pour mon premier concert, cela fait donc une dizaine d’années que j’enregistre des titres et que je joue.

Comment la musique est-elle entrée dans ta vie ?

Mon grand-père maternel jouait du piano et ma mère est fan de bossanova, il y a donc toujours eu beaucoup de musique à la maison. Je me souviens parfaitement du tout petit clavier Casio que j’ai eu à 5 ans. J’adorais jouer dessus, c’était mon premier rapport à l’instrument et ça ne m’a ensuite jamais vraiment quitté. Quand j’étais enfant, j’étais très timide. La musique était un moyen agréable de m’isoler dans mon imagination et de m’exprimer différemment quand j’avais des difficultés à le faire avec les mots.

Alma Elste, photographiée par Anaïs Boileau

Quand as-tu composé tes premières chansons ?

Au collège, j’ai acheté un petit recorder analogique. En rentrant de cours, je passais des heures à enregistrer des instruments et ma voix. Je perdais complètement la notion du temps, j’adorais cela. Je composais des chansons avec un piano, une guitare, parfois un peu de basse et ma voix, en français ou en anglais.

Pourquoi t’appelles-tu Alma Elste ?

Alma est le prénom que mes parents ont failli me donner, jusqu’au dernier moment ! Depuis que je fais de la musique, j’ai créé ce double, cette sorte d’alter égo que j’aime laisser vivre. J’ai toujours aimé cette idée de donner vie à quelqu’un que je ne suis pas. Je crois qu’en fonction du nom que l’on porte, on n’est pas la même personne, notre nom nous définit dans notre être. J’aime beaucoup le prénom Alma qui veut dire « l’âme » en espagnol, la langue de ma mère. « Elste » sont les lettres au centre de mon nom de famille, elles se situent au cœur de mon nom.

Même si mon prénom est Frederika, je n’ai pas l’impression de jouer un rôle quand on m’appelle Alma. Je trouve que Frederika est un prénom un peu froid. A environ 18 ans, j’ai redécouvert mon deuxième prénom, Amalia. J’ai compris que c’est celui-ci qui me nommait vraiment. Mes amis proches m’appellent Amalia. Quand je travaille dans l’univers musical, on m’appelle généralement Alma. C’est assez fou et mystérieux pour moi, j’ai l’impression d’avoir 3 vies !

Alma Elsten photographiée par Tanguy Ginter

Quelles sont tes influences musicales ?

Mon grand-père maternel était musicien classique et jazz et ma mère est sud-américaine, elle passait beaucoup de bossanova et de tango à la maison. J’écoute de tout, je suis touchée par n’importe quel genre de musique et les paroles sont très importantes pour moi. James Blake est un de mes artistes actuels préférés. Au collège, j’écoutais beaucoup de pop, j’étais fan de Coldplay, dont les deux premiers albums sont magnifiques. J’adorais aussi les Strokes, j’écoutais leurs 2 premiers albums en boucle. Je me suis beaucoup inspirée de la manière très particulière d’écrire de Julian Casablancas. J’ai même composé un morceau qui s’appelle Julian !

Depuis très longtemps, j’adore aussi la musique noire et c’est en l’écoutant que j’ai formé mon oreille pour le chant. Quand j’étais enfant, mes parents m’avaient offert un petit album de gospel que j’adorais écouter. A l’adolescence, j’écoutais beaucoup de soul : Etta James, Billie Holiday, Ella Fitzgerald… J’écoutais aussi beaucoup de Frank Sinatra qui s’inspirait lui-même du gospel et du blues. J’ai découvert le génie de la guitare électrique à travers le blues.

Peux-tu parler de ton EP “The Story of Alma”, sorti le 5 novembre 2021 (Cracki Records) ?

J’ai tout fait moi-même pour l’EP, j’ai tout joué et chanté.

Cet EP est très centré sur ma voix, il y a beaucoup moins d’électronique que dans mes compositions passées. Pour des raisons externes à ma volonté, j’avais mis fin à une collaboration musicale. A l’origine, je ne suis pas productrice, je me suis donc retrouvée pour la première fois à devoir tout faire moi-même. Il était plus pertinent et simple pour moi d’y aller seule et de décider de tout, plutôt que de devoir faire des compromis en travaillant avec d’autres gens. D’une certaine façon, cela m’a permis de retrouver ma liberté. J’avais le contrôle et la possibilité de faire cet EP à l’image de ce que j’avais en tête, c’était très agréable d’être complètement indépendante.

Couverture de l’EP “The Story of Alma” par Elvire Caillon
Extrait du clip de “Cy”, premier titre de l’EP “The Story of Alma” d’Alma Elste, réalisé par Thomas Gerard
Extrait du clip de “Cy”, premier titre de l’EP “The Story of Alma” d’Alma Elste, réalisé par Thomas Gerard
Extrait du clip de “Cy”, premier titre de l’EP “The Story of Alma” d’Alma Elste, réalisé par Thomas Gerard
Extrait du clip de “Cy”, premier titre de l’EP “The Story of Alma” d’Alma Elste, réalisé par Thomas Gerard

Lien vers le clip de “Cy”, premier titre de l’EP “The Story of Alma” d’Alma Elste

As-tu un processus créatif particulier quand tu crées ta musique ?

Tout me vient en même temps, la mélodie, l’harmonie et les paroles. Quand j’ai une mélodie en tête, j’entends aussi l’harmonie. La parole et le sens de la parole naissent simultanément avec la musicalité de l’harmonie et de la mélodie. Je démarre souvent au piano avec ma voix.

Quelle est la différence quand tu chantes en français ou en anglais ?

Je n’ai pas du tout le même rapport à la musicalité quand je chante en français qu’en anglais. L’anglais me permet d’exprimer en très peu de mots une émotion qui peut avoir plusieurs sens. J’ai l‘impression qu’une phrase en français a un sens plus précis et parfois plus fermé qu’en anglais. Il m’est moins facile d’écrire une chanson en français qu’en anglais, peut-être parce que j’ai écouté beaucoup de musique anglo-saxonne. J’écoute et admire aussi beaucoup de chanson française comme Alain Bashung, Benjamin Biolay, Serge Gainsbourg, Edith Piaf… Seulement, j‘ai le sentiment que le français parlé est déjà en lui-même musical, il me semble donc inutile et bizarre de rajouter de la musique sur du français.

Est-ce une question d’aisance ?

Je ne sais pas, parce qu’en dehors de la musique, j’écris des choses très personnelles en français que je ne pourrais peut-être pas écrire en anglais.

J’écris également des romans en français. D’un côté, je suis la même personne qui fait de la musique et qui écrit des romans, de l’autre, ce sont deux vies différentes. Avec le temps, je comprends que ces deux choses sont infiniment corrélées, mais le rapport à l’écriture est différent. L’écriture d’un livre se passe plus dans la tête que dans le cœur, alors que la composition de musique et l’écriture de paroles se passent très peu dans la tête et beaucoup dans l’émotionnel. Dans les deux cas, l’émotion et de la réflexion sont présentes, mais leur dosage est différent et la justesse ne se joue pas au même endroit. Dans la musique et dans le roman, on retrouve la dimension musicale, le rythme et le récit. La musique est un chemin et une histoire, le récit en musique est donc très important, c’est ce qui fait qu’une musique fonctionne ou pas. Dans un roman, il est très rare d’écrire un refrain avec 4 phrases qui reviennent régulièrement. Ce sont des choses que j’ai l’impression de comprendre intimement mais je préfère les faire et les ressentir plutôt que les théoriser. Ce sont des choses que je fais intuitivement, tout en ayant conscience que je les fais.

Alma Elste, photographiée par Tanguy Ginter

Quelles sont tes sources d’inspiration ?

Pour le premier titre de l’EP, « Cy », je me suis inspirée d’un peintre que j’adore, Cy Twombly. J’ai écrit le morceau quand je vivais à Rome. Rien qu’en t’en parlant, je vois des images du lieu où je vivais, des arbres, des peintures de Cy Twombly, du soleil, du ciel et de la lumière. L’inspiration peut parfois venir d’un souvenir, d’un moment, d’une image ou d’une personne.

Quels sont tes futurs projets ?

J’ai hâte de retourner en studio pour enregistrer les morceaux que j’ai composé. Je vais aussi jouer en live au Pop-Up du Label au début de l’année 2022 et dans des festivals au printemps.

NOW YOU CHOOSE : j’ai posé 2 questions à Alma à chaque fois et elle décidait à laquelle elle voulait répondre.

Quelle est ta collaboration de rêve ? // Quelle est ta scène de rêve ?

On dit que quand tu veux travailler avec quelqu’un, il ne fait jamais le dire, sinon ça n’arrive pas. Je choisis donc l’autre question ! Comme beaucoup, quand j’avais 18 ans, je rêvais de faire l’Olympia. Aujourd’hui, je ne sais pas, ce type d’envie dépend du moment. J’ai fait une première partie au Trianon en septembre et j’ai adoré cette salle. Elle a la taille idéale, une atmosphère chaleureuse, le son est super et le public génial.

Alma Elste
Alma Elste, photographiée par Tanguy Ginter

Quel est le meilleur concert auquel tu es allée ? // Quel est le concert auquel tu rêverais d’aller ?

J’aurais adoré voir Chet Baker en concert, surtout une de ses dernières représentations quand il était très affaibli et n’avait plus de dents. Il avait une façon de chanter unique et géniale.

Le meilleur concert où je suis allée est surement celui de Coldplay en 2003, j’avais 12 ans et j’étais complètement fan ! Le premier concert auquel je suis allée était celui de Michael Jackson au Parc des Princes quand j’avais 5 ans. J’en garde un souvenir à la fois incroyable et un peu inquiétant. C’était du délire, c’était complètement spectaculaire. Michael Jackson a débarqué de sous terre dans une sorte de petite fusée. Une fan l’a rejoint et s’est mise à pleurer dans ses bras, j’imagine que c’était mis en scène, mais je ne comprenais pas ce qu’il se passait à l’époque. Le parc des princes était bondé, les gens étaient en folie et j’ai trouvé cela très bizarre à 5 ans. J’ai tout de même adoré, j’ai encore les petites jumelles jaunes que mes parents m’avaient acheté. Elles sont peut-être au même endroit que le clavier Casio !

Quel est ton plus grand rêve ? // Quelle est ta plus grande peur ?

Ma plus grande peur est de perdre les êtres que j’aime. Ma propre mort ne me fait pas tellement peur, mais celle des êtres que j’aime me terrifie.

Si tu pouvais diner avec 3 personnes, vivantes ou mortes, imaginaires ou réelles, qui choisirais-tu ?

Sans hésiter, je pense immédiatement à Glenn Gould. Je l’adore, j’ai l’impression de vivre avec lui depuis que j’ai 15 ans. J’aimerais bien parler de philosophie avec Christopher Nolan. La troisième personne serait mon grand-père maternel que je n’ai jamais connu. J’aimerais passer une journée entière avec lui. J’hésite à inviter Amy Winehouse, mais j’ai peur qu’elle soit dans un état un peu particulier. Sinon, j’aurais aimé rencontrer l’écrivain Etty Hillesum.

Qu’est-ce que tu leur cuisines pour le diner ?

Des choses simples mais bonnes qui ont du goût.

On dit qu’il y a 2 types de personnes : les « Tout peut arriver » qui se préparent à toutes les situations possibles et les « Rien n’est grave » qui ne prévoient rien et comptent se débrouiller le moment venu. Qui es-tu ?

Avec mon esprit en ritournelle obsessionnelle, je suis une « Tout peut arriver » mais « Rien n’est grave », et ça continue à l’infini ! Je peux passer de l’angoisse absolue à de la distance sur tous les sujets, c’est un aller-retour permanent entre les deux.

Propos recueillis par Emma Renaudin en novembre 2021.

Suivez l’actualité et la musique d’Alma Elste sur son soundcloud, son instagram et celui de Cracki Records.

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